Semaine 30 – Suisse – « Quasi-option » en matière de TVA ?

L’arrêt que le Tribunal fédéral a rendu le 9 juillet (2C_334/2014) en matière de TVA lui a donné l’occasion de mettre en évidence notamment quelques principes constitutionnels.

D’abord l’état de fait : la société (SA) était assujettie à la TVA depuis 1998. La société en nom collectif (SNC), qui lui était proche, propriétaire de terrains, avait accordé à SA le droit de construire, que celle-ci avait mis en œuvre. Après avoir loué pendant quelques années les installations érigées à la SNC, elle les lui a vendues en 2006. Bien que l’option pour l’imposition des prestations exclues du champ de l’impôt n’eût pas été exercée, l’impôt préalable avait été déduit. L’Administration fédérale des contributions a constaté cette irrégularité lors d’un contrôle en 2011, mais en raison de la prescription, aucune mesure correctrice ne pouvait plus être prise. En revanche, l’administration a réclamé la TVA sur la vente immobilière (hors option) qualifiée de  prestation à soi-même, au motif que le comportement de l’assujettie, et plus précisément les déductions de l’impôt préalable dont elle avait bénéficié à tort, constituait une quasi-option, celle-ci puisant sa source dans le principe de la confiance.

Le Tribunal fédéral a rappelé la corrélation entre l’assujettissement d’une opération à la TVA et la déduction de l’impôt préalable y afférant : ils sont indissociables, et l’un ne peut s’appliquer sans l’autre.

Puis, il a remis « bon ordre » dans l’appréhension des principes fondamentaux par l’Administration fédérale des contributions :

  • L’exigence de la conformité à la loi, et particulièrement à la loi fiscale, est un principe constitutionnel posé à l’article 164 alinéa 1 littera d. de la Constitution.
  • Les exceptions et les exonérations fiscales sont régies par le même principe.
  • Les hautes exigences de base légale visent à assurer la sécurité du droit, l’égalité de traitement et l’absence d’arbitraire.
  • Le principe de la légalité oblige au prélèvement de l’impôt lorsque l’état de fait visé est réalisé, tout comme il l’interdit lorsque cet état de fait n’est pas réalisé.
  • L’article 9 de la Constitution, qui protège les administrés contre l’arbitraire des organes de l’Etat et impose à ces derniers le devoir de se conformer dans le respect des règles de bonne foi, ne peut être invoqué pour sanctionner un comportement contradictoire des administrés.
  • En cas de conflit entre le principe de la conformité à la loi et le principe de la confiance, ce dernier cède le pas et, spécialement en droit fiscal, ne peut être appliqué que de façon limitée. L’argument de l’administration selon lequel l’article 9 alinéa 1 aLTVA constituerait une disposition corrective de la déduction préalable de l’impôt, et à ce titre échapperait à la rigueur du principe de la légalité pour s’attacher à celui de la bonne foi, est sans fondement (art. 31 LTVA).

Le litige que cet arrêt tranche par un rejet du recours de l’Administration fédérale des contributions, peut laisser songeur quant à la bonne foi et son absence, selon qui invoque l’une ou l’autre : pour sanctionner une mauvaise foi, est-il possible, de bonne foi, d’aller jusqu’à postuler une base légale ?