Suisse – La procédure de déclaration dans le cadre de l’article 15 AFisE

Les deux premiers considérants de l’arrêt rendu le 9 juillet par le Tribunal administratif fédéral (A-6777/2013) se laissent lire comme un manuel de procédure. Autant méthodiquement que systématiquement, le tribunal rappelle que :

  • Il constate les faits et applique le droit d’office, sans être lié par les motifs invoqués ni par l’argumentation juridique développée dans la décision attaquée. Suivant la maxime inquisitoire, il définit les faits et apprécie les preuves d’office et librement, cette maxime ayant néanmoins pour corollaire le devoir des parties de collaborer à l’établissement des faits, avec, pour conséquence, l’obligation d’indiquer les moyens de preuve disponibles et de motiver leur requête, de telle sorte que l’autorité saisie se limite aux griefs soulevés et n’examine les questions de droit non invoquées seulement dans la mesure où les arguments des parties ou le dossier l’y incitent.
  • Si l’autorité de recours reste dans l’incertitude après avoir procédé aux investigations requises, elle applique les règles sur la répartition du fardeau de la preuve, à savoir à défaut de disposition spéciale en la matière, selon l’article 8 du Code civil.
  • Les ordonnances du Conseil fédéral peuvent être classées en ordonnances indépendantes (basées directement sur la Constitution fédérale) ou dépendantes (découlant d’un acte infra-constitutionnel).
  • Selon un autre critère de distinction, elles peuvent être classées en ordonnances d’exécution (qui concrétisent la loi pour en faciliter la mise en œuvre) ou en ordonnances de substitution (celles qui se substituent à la loi car elles contiennent des règles de droit importantes, « primaires »). Les ordonnances d’exécution doivent se rapporter à la même matière que celle qui fait l’objet de la loi qu’elles exécutent, elles ne peuvent ni abroger ni modifier la loi, elles doivent rester dans le cadre tracé et la finalité poursuivie par la loi, elles ne doivent pas imposer de nouvelles obligations qui ne sont pas prévues par la loi, quand bien même elles sont tout à fait conformes à celle-ci. Les ordonnances de substitution ne précisent pas la loi mais la complètent ; elles étendent ou restreignent le champ d’application de la loi, en conférant aux particuliers des droits ou en leur imposant des obligations dont la loi ne fait pas mention.
  • Le contrôle préjudiciel des ordonnances appartient à toutes les autorités appelées à les appliquer ; il s’agit non pas d’une faculté mais d’une obligation. Ainsi, refuser d’examiner la régularité d’une ordonnance du Conseil fédéral, alors même que le recourant a soulevé valablement un tel grief, constitue un déni de justice. Le contrôle des ordonnances d’exécution se fait en deux étapes : en premier vient le contrôle de leur légalité, puis vient celui de leur constitutionnalité. Le contrôle des ordonnances de substitution comporte, lui, trois phases : de la délégation législative, de la conformité de l’ordonnance avec cette délégation et de la constitutionnalité de l’ordonnance.
  • Le principe de la proportionnalité prescrit par la Constitution, et qui exige qu’il y ait un rapport raisonnable entre le but d’intérêt public poursuivi et le moyen choisi pour l’atteindre, se décompose en trois maximes : celle de l’aptitude, selon laquelle le moyen choisi doit être propre à atteindre le but visé, celle de la nécessité qui exige qu’entre plusieurs moyens envisageables soit choisi celui qui, tout en atteignant le but visé, porte l’atteinte la moins grave aux droits et aux intérêts privés touchés, et enfin celle de la proportionnalité au sens étroit, qui met en balance la gravité des effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public.

Pour se rapprocher de la question centrale sur laquelle il est appelé à statuer, le Tribunal administratif fédéral rappelle notamment qu’en règle générale, les délais prévus par la loi sont péremptoires (ils ne sont susceptibles ni de modification ni d’interruption ni de prolongation), c’est-à-dire leur inobservation entraîne la perte d’un droit. A l’opposé, ceux fixés par un acte de rang normatif inférieur, comme une ordonnance, ne sont en principe que de simples délais d’ordre dont le dépassement n’entraîne pas de conséquence juridique directe.

Abordant ensuite la question de la « pratique », le tribunal rappelle que ce terme désigne la répétition régulière et constante dans l’application d’une norme mais ne peut toutefois pas constituer une source du droit. Pour qu’un contribuable puisse prétendre à l’application d’une pratique contraire au droit, il faut que l’autorité n’ait pas respecté la loi de façon constante, et non pas dans un ou quelques cas isolés. Une pratique ne lie pas le juge mais elle peut avoir directement un effet juridique par le biais du principe de la confiance ou de l’égalité de traitement. Il s’ensuit qu’un changement de pratique administrative doit reposer sur des motifs objectifs et sérieux, à savoir une connaissance plus approfondie de l’intention du législateur, un changement de circonstances ou l’évolution des conceptions juridiques. Un changement de pratique justifié vaut en général immédiatement et pour toutes les procédures pendantes, mais lorsque la nouvelle pratique est défavorable à l’assujetti, en application du droit à la protection de la bonne foi, l’application de la nouvelle pratique peut être retardée.

Le cœur du litige, pour lequel l’arrière-fond ci-dessus a été rappelé, porte sur deux aspects de l’impôt anticipé :

  • Comme dans le cadre de la procédure nationale de déclaration des dividendes, le délai de trente jours prévu dans l’ordonnance sur le dégrèvement des dividendes payés à des sociétés étrangères est péremptoire, et cela même à l’intérieur de l’autorisation de la procédure de déclaration, valable trois ans. Le non respect de ce délai entraîne la perte définitive du droit à la procédure de déclaration.
  • Tout en reconnaissant une certaine pertinence à l’argument de la recourante que dans le cadre de l’article 15 AFisE, d’application directe, seule la procédure de déclaration est possible, le tribunal explique pourquoi la non-imposition selon l’AFisE se rapproche davantage de la notion de dégrèvement que de celle d’exemption prévue dans la directive européenne. Ainsi, il confirme sa position attribuant à la procédure de déclaration, même dans le cadre de l’article 15 AFisE, un caractère accessoire par rapport à la procédure de remboursement.