Semaine 10/17 – Suisse – TVA : questions de procédure, assujettissement notamment d’une société étrangère, évasion fiscale

Comme la plupart des arrêts du Tribunal administratif fédéral, celui du 20 février (A-4783/2015) offre, par ses considérants extrêmement circonstanciés, l’occasion de revenir sur des notions fondamentales. Nous n’en retenons que quelques-unes.

Sur le plan formel :

1. Le tribunal revoit les faits d’office et librement. Comme il n’est pas nécessaire qu’ils soient reproduits de manière exhaustive dans la décision attaquée, il peut le cas échéant les corriger ou compléter. S’il estime que l’état de fait est clair et que sa conviction est acquise, il peut rendre sa décision, en renonçant à des mesures d’instruction ou à des offres de preuve supplémentaires ; dans le cas contraire, il applique les règles sur la répartition du fardeau de la preuve.

2. Dans la mesure où la recourante critique non pas l’établissement des faits par l’autorité précédente, mais reproche à celle-ci de ne pas avoir fondé sa décision sur certains éléments ressortant du dossier, elle s’en prend à l’appréciation juridique des éléments en possession de cette autorité et soulève ainsi une question de droit.

3. En procédure administrative contentieuse, le litige est défini par son objet, les conclusions du recours et, accessoirement, les motifs de celui-ci. De plus, le contenu de la décision attaquée, en particulier son dispositif, délimite l’objet du litige, ce qui implique que l’autorité de recours ne peut statuer que sur les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’instance inférieure s’est déjà prononcée ou aurait dû le faire.

Sur le fond :

1. L’exploitation d’une entreprise est seule déterminante pour l’assujettissement, le chiffre d’affaires minimal n’étant plus une condition d’assujettissement mais ne produisant qu’un effet libératoire. Les éléments constitutifs de l’assujettissement, qui  se prêtent à une interprétation extensive, sont :

a. Exercice d’une activité professionnelle ou commerciale

Pour distinguer l’activité professionnelle de l’activité privée, il n’y a pas lieu de s’arrêter uniquement au nombre et à l’ampleur des opérations, ni au montant du chiffre d’affaires réalisé. Il s’agit avant tout de déterminer si le prestataire entreprend des démarches actives et use, dans l’ensemble, de moyens similaires à ceux d’un producteur, d’un commerçant ou d’un prestataire de services.

b. Intention de réaliser des recettes ayant un caractère de permanence

– Il n’y a pas d’assujettissement lorsque l’activité ne génère ni ne vise de manière planifiée à la réalisation de recettes, le fait que des recettes soient effectivement réalisées ou non étant sans importance.

– La poursuite d’un but lucratif et la réalisation de bénéfices qu’elle emporte est sans importance, bien que la poursuite d’un tel but, de même qu’un haut degré de rentabilité, peuvent constituer des indices marquants d’une activité professionnelle ou commerciale. Inversement, il ne saurait en principe être question d’une telle activité lorsque celle-ci est financée à titre quasi exclusif par des prêts et/ou des apports de l’actionnaire, et que les recettes n’ont qu’un caractère symbolique. Une disproportion évidente entre les financements opérés par l’actionnaire et les recettes réalisées peut ainsi constituer un indice que la société ne poursuit pas de buts commerciaux, voire être constitutive d’un abus du droit au remboursement d’un excédent d’impôt préalable.

– Le caractère de permanence n’est pas un critère autonome mais il est inhérent à l’exercice d’une activité professionnelle ou commerciale. Ainsi, une activité purement occasionnelle, même si elle est appelée à se répéter, ne suffit pas pour être considérée comme durable.

– La permanence doit être appréciée d’un point de vue temporel, relatif à la durée de l’activité, et d’un point de vue quantitatif, relatif à l’étendue au volume de l’activité ; cet examen doit se faire toujours au regard de l’ensemble des circonstances de chaque cas.

c. Indépendance

Ce critère n’entre en ligne de compte que dans le cas de personnes physiques

d. Agir en son propre nom vis-à-vis des tiers

Il s’agit d’un comportement reconnaissable de l’extérieur, se caractérisant par des démarches actives, effectuées en son propre nom. Toutefois, dans certains cas, telle la vente d’œuvres d’art par le biais de maisons de ventes aux enchères, ce critère se révèle inapproprié.

2. Pour qu’une société étrangère puisse être assujettie, il faut un lien minimal avec le territoire suisse (établissement stable ou fourniture de prestations en Suisse).

3. L’évasion fiscale est conçue comme l’invocation abusive d’une norme et ne mérite aucune protection juridique, que la norme en question soit à interpréter selon le droit privé ou d’un point de vue économique. L’existence d’une évasion fiscale doit être appréciée à l’aune de l’ensemble des circonstances du cas concret.